mercredi 2 février 2011

# 011 : Le journal de mon père, Jirô Taniguchi

Le Journal de mon père
Jirô Taniguchi
Editions Casterman, collection Ecritures
Intégrale publiée en 2004
A l'origine, publication en 3 tomes entre 1999 et 2000 (Le grand incendie, La séparation, L'apaisement)

"Chaque expérience de beauté, si brève dans le temps tout en transcendant le temps, nous restitue chaque fois la fraîcheur du matin du monde"
François Cheng


Cul Sec !
Lire une BD d'une centaine de page d'un coup, c'était impossible. Au bout d'un moment, on décroche, on n'apprécie plus autant les dessins et on passe à côté de la BD. Avec Le Journal de mon Père de Jirô Taniguchi, cette idée de la lecture s'est effondrée, j'ai englouti les 2 centaines de pages d'un coup. Mais vraiment d'un coup. Pas un verre d'eau, même pas une pause pipi, rien.
- "C'est parce que cette BD est pas très évoluée" certains vont me dire. Et bien non, c'est une histoire dense, avec de nombreux personnages, des flashbacks, et une intrigue psychologique qui prenais tout de même 3 tomes à l'origine.
- "C'est parce que tu n'avais rien d'autre à faire alors ?", même pas !
- "C'est que tu l'as bâclée !", et non, je suis capable de vous refaire tout le fil de l'histoire de tête.
- "Bon, arrête avec tes citations à 2 balles ! Et puis d'abord, comment ça se fait que tu ais lu un manga ?! Tu n'y connais rien et tu n'aimes pas ça." Oui c'est vrai, je n'y connais rien, mais j'ai adoré celui-là.

Il était une fois, au pays du Soleil Levant
Yoichi travaille à Tokyo dans le design. A la mort de son père, il revient dans sa ville natale, Tottori, et retrouve sa famille qu'il n'avait pas vu depuis des années. En effet, en froid avec son père, il avait choisi de partir vivre sa vie loin de cette enfance douloureuse marquée par le départ de sa mère. A la perte d'un proche, des sentiments nostalgiques remontent forcément. Mais pour Yoichi c'est surtout son enfance douloureuse, ses regrets et l'amertume qui ressurgissent. En effet, comment pleurer un père qu'on a vu que de dos à travailler toute son enfance, comment pardonner l'homme qui n'a pas réussi à rendre sa mère heureuse, comment regretter celui qu'on n'a pas eu envie de voir pendant 15 ans ? Mais pendant la veillée funèbre, les membres de la famille partagent leurs souvenirs, sur le grand incendie qui a frappé Tottori, sur la séparation de ses parents, sur l'homme qu'était en réalité son père. Yoichi découvre alors des facettes d'un père qu'il connaissait mal, se remémore autre chose que les souvenirs douloureux et prend conscience de sa part de responsabilité dans la distance qu'il y avait entre son père et lui.

Le Manga ce n'est pas (que) DragonBall Z
Le Journal de mon père est une belle histoire dont il est difficile de parler tant le choc esthétique est important. En effet, le dessin, pur et fin, sert une histoire profonde et complexe car elle aborde des rapports humains. Je n'avais jamais lu de manga, mis à part DragonballZ, et encore, c'était parce que mon petit cousin voulait que je lui dessine Sangoku. Celui-ci donne envie d'en lire d'autres et surtout, fait passer des moments formidables (ou un moment formidable si, comme moi, vous n'arrivez pas à vous arrêter avant la page 274)



samedi 22 janvier 2011

# 010 : Les Vies d'Hector Gaulois, Stanislas

Les Vies d'Hector Gaulois
Stanislas
Editions l'Association, Collection Patte de Mouche
2003

"- Pousse-toi de là toi !! Mon nom est HECTOR GAULOIS ! et je suis attendu pour sauver une princesse ...
- HECTOR !!
- Ne bougez pas Princesse ! Me voilà !"
Les vies d'Hector Gaulois, page 2

Draguer les mannequins du catalogue la Redoute

Pour s'échapper d'une vie coincée dans son fauteuil roulant, Hector Gaulois a créé une "invention magnifique" : Le Scanoscaphe ! C'est un casque relié à son ordinateur qui lui permet de voyager dans n'importe quel livre (que ce soit un album de Tintin, un roman de cape et d'épée ou même le catalogue de La Redoute). Mais à chaque fois, Hector finit par être expulsé de cette vie virtuelle ...

Un dessin léger et simple pour une histoire qui ne l'est pas.
A première vue, le ton est humoristique. Qui n'a pas rêvé de se retrouver dans un livre ou dans un film, à vivre des histoires extraordinaires, bien loin de la banalité quotidienne ? Mais le quotidien d'Hector Gaulois est pire que banal. C'est celui d'un homme coincé dans un corps qui ne veut pas répondre à l'âme qui est à l'intérieur, et qui n'a d'autre rêve que de pouvoir sortir de chez lui et enfin adresser la parole à cette jolie voisine qu'il observe du haut de sa prison dorée. Cette invention n'est-elle finalement qu'un moyen de ne plus regarder la réalité en face ? Quel stratagème Hector Gaulois va-t-il finalement trouver pour ne plus sortir de cette vie virtuelle ? C'est tout l'intérêt de cette petite histoire que l'on prend par un bout ou par un autre en fonction de notre humeur du moment, mais toujours avec plaisir.

Les Vies d'Hector Gaulois, page 10.
Moment où il choisit d'entrer dans un album de Tintin


mardi 4 janvier 2011

# 009 : Le Sursis

Le Sursis
Jean-Pierre Gibrat
Dupuis, collection "Air Libre"
Tome 1 (1997) Tome 2 (1999)

"Je dessine à l’instinct ce que je crois être les canons de la séduction féminine. On se réfugie dans un modèle de femme qu’on a à peu près l’habitude de dessiner, c'est-à-dire qu’on loupe un peu moins que d’autres [...]. Il y a plein de femmes qui ont énormément de charme et qui seraient intéressantes à dessiner tout autant qu’elles sont ! Mais on se crée ses propres clichés."
Jean-Pierre Gibrat, Interview sur Auracan.com

Marre des BD psychologiques, des intrigues rocambolesques, des albums dont on vous dit "c'est une bande-dessinée révolutionnaire !" ? Envie de vous reposer les yeux et le cerveau ? De vous laisser couler dans une histoire ? Lisez (ou plutôt regardez) Le Sursis.

Gibrat est un véritable artiste. Virtuose de l'aquarelle (qui n'est pas une peinture fade, il faut le rappeler) il dessine la France des années 40 et les femmes c
omme personne. Ce n'est pas très pertinent de choisir une BD seulement parce qu'elle a "de beaux dessins", cependant, ici chaque case est un tableau et vous pouvez rester regarder une planche plus longtemps que nécessaire juste parce que les couleurs et la perfection du trait vous emportent.

Ne vous attendez pas à être surpris par l'histoire. Elle ressemble à celle de nombreux films ou feuilletons déjà faits sur la
Seconde Guerre mondiale. La vie quotidienne d'un petit village en Aveyron, un déserteur, une belle femme, un café et ses clients typiques, la milice, des résistants, ... Malgré tout, cette bande dessinée crée une romance sur font historique qui est loin d'être plate ou de donner un sentiment de déjà vu. Il est rare de voir un album avec un travail sur le dessin aussi beau et réaliste, alors quand en plus l'histoire tient la route, on cours se plonger dedans !

Gibrat a fait une suite du Sursis, où il raconte l'histoire de la sœur de l'héroïne à Paris. Une belle femme au cœur de la guerre et une nouvelle fois un homme à contre-courant (Voir Le Vol du Corbeau). C'est donc une recette qui marche bien ...

mercredi 17 novembre 2010

# 008 : Quai d'Orsay, Christophe Blain, Abel Lanzac

QUAI D'ORSAY, Chroniques diplomatiques
Christophe Blain et Abel Lanzac
2010, Dargaud

"Le staff du secrétaire d'État Américain, c'est quatre-vingts personnes. Ce sont des moyens énormes. Nous, on est à peine une dizaine. C'est un tout petit navire. C'est pas un navire c'est une barque. C'est pas une barque d'ailleurs, c'est un radeau. Mais sur le radeau, j'ai choisi les meilleurs. Vous êtes jeune, mais vous savez analyser les choses. J'ai confiance en vous. J'ai besoin de vous à bord."
Alexandre Taillard de Worms à Arthur Vlaminck, planche 5 de Quai d'Orsay

Pas besoin d'avoir suivi l'actualité BD pour avoir entendu parlé de Quai d'Orsay : Chroniques diplomatiques. Vous n'avez peut-être pas retenu le nom de ses créateurs, Abel Lanzac et Christophe Blain, mais la couverture vous dit quelque chose et vous savez que ça parle de Dominique De Villepin. Heureusement, ces "chroniques diplomatiques" valent bien mieux que tout le tapage médiatique qu'elles ont suscité. Loin d'être une critique du monde politique français ou une caricature à la Pétillon, Quai d'Orsay nous parle du poids du pouvoir (et cela dès la couverture), du choix des mots, de responsabilité, de diplomatie ... Au lieu de plonger dans une suite de gags qui se moquent de nos représentants, on s'immerge dans une véritable histoire, celle d'un homme (Arthur Vlaminck) engagé par le Ministre des Affaires Étrangères (Alexandre Taillard de Worms) pour lui écrire ses discours.

Si l'on reconnaît les grandes tirades, les citations foisonnantes et le ton grave de Dominique de Villepin, on oublie finalement qu'il a inspiré les auteurs, et Alexandre Taillard de Worms devient un véritable personnage théâtral. On retient vite ses répliques et ses mimiques, d'autant plus qu'on ne peut s'empêcher de revenir sur des planches particulièrement bien tournées. Au bout d'un moment, vous aussi vous parlerez en citations d'Héraclite, vous rythmerez votre discours par des claquements de doigts et vous serez un maniaque du stabilo jaune ! Mais cette b
ande-dessinée ne tourne pas qu'autour du Ministre, une série de personnages secondaires qui tentent de le suivre dans ces raisonnements politico-philosophiques font gagner à Quai d'Orsay de la profondeur et contribuent à la rendre irrésistible.

N'hésitez pas à vous attardez sur le dessin, il est rare de se retrouver face à une bande dessinée qui innove autant en matière de narration et de gestuelle. Chaque case, chaque planche sont étudiées et cela se voit.

Si cette note à un but, c'est celui de vous faire aller feuilleter Quai d'Orsay pour de bonnes raisons ...


Pour lire les premières planches de Quai d'Orsay sur BD Gest'

vendredi 12 novembre 2010

# 007 : Chats noirs, chiens blancs, Vanna Vinci

Chats noirs, chiens blancs
Vanna Vinci

2010, Dargaud

T1. Réminiscences Parisiennes; T.2. Chemin faisant

L’italienne Vanna Vinci nous avait déjà conquis, il y a deux ans, avec son dyptique Sophia mêlant philosophie et occultisme sur fond de quète identitaire. Elle revient avec Chats noirs, Chiens blancs, une série en deux volumes qui nous plonge dans les errances de Gilla, une jeune italienne qui quitte tout pour venir à Paris faire ses études de photographie.

Dans Réminiscences parisiennes, le premier tome de la série, nous découvrions l’installation de Gilla à Paris, chez sa tante, beatnik de la première heure, sa rentrée en école de photographie et ses premieres rencontres amicales et amoureuses. En somme, le quotidien banal des jeunes femmes de son âge. A l’exception, que Gilla ne se contente pas de fréquenter les vivants… Quand visions du passé et fantômes parisiens s’invitent dans le quotidien de Gilla ; gare aux perturbations !

Avec Chemin faisant , Vanna Vinci nous dévoile une Gilla de plus en plus impliquée dans ses confrontations avec l’au delà. Rencontrant tour à tour, les fantomes de Zelda Fitzgerald et de la comtesse Luisa Casati, Gilla se détourne de plus en plus de la réalité pour plonger dans le passé cauchemardesque de ces femmes de pouvoir.

Au fil de ses rencontres ésotériques, l’héroine nous entraîne dans une ballade romantique et macabre à travers un Paris entre passé et présent. Si l’auteur a cette fois-ci recours à la couleur, l’univers de Chats noirs, chiens Blancs demeure très noir à l’image de Sophia. On retrouve également les thèmes chers à l’auteur que sont la quète identitaire, le poids des souvenirs et l’occultisme.

C'était une critique de Lulu La Belge ... <3

Vous pouvez cliquez sur les images pour les agrandir ...