mercredi 17 novembre 2010

# 008 : Quai d'Orsay, Christophe Blain, Abel Lanzac

QUAI D'ORSAY, Chroniques diplomatiques
Christophe Blain et Abel Lanzac
2010, Dargaud

"Le staff du secrétaire d'État Américain, c'est quatre-vingts personnes. Ce sont des moyens énormes. Nous, on est à peine une dizaine. C'est un tout petit navire. C'est pas un navire c'est une barque. C'est pas une barque d'ailleurs, c'est un radeau. Mais sur le radeau, j'ai choisi les meilleurs. Vous êtes jeune, mais vous savez analyser les choses. J'ai confiance en vous. J'ai besoin de vous à bord."
Alexandre Taillard de Worms à Arthur Vlaminck, planche 5 de Quai d'Orsay

Pas besoin d'avoir suivi l'actualité BD pour avoir entendu parlé de Quai d'Orsay : Chroniques diplomatiques. Vous n'avez peut-être pas retenu le nom de ses créateurs, Abel Lanzac et Christophe Blain, mais la couverture vous dit quelque chose et vous savez que ça parle de Dominique De Villepin. Heureusement, ces "chroniques diplomatiques" valent bien mieux que tout le tapage médiatique qu'elles ont suscité. Loin d'être une critique du monde politique français ou une caricature à la Pétillon, Quai d'Orsay nous parle du poids du pouvoir (et cela dès la couverture), du choix des mots, de responsabilité, de diplomatie ... Au lieu de plonger dans une suite de gags qui se moquent de nos représentants, on s'immerge dans une véritable histoire, celle d'un homme (Arthur Vlaminck) engagé par le Ministre des Affaires Étrangères (Alexandre Taillard de Worms) pour lui écrire ses discours.

Si l'on reconnaît les grandes tirades, les citations foisonnantes et le ton grave de Dominique de Villepin, on oublie finalement qu'il a inspiré les auteurs, et Alexandre Taillard de Worms devient un véritable personnage théâtral. On retient vite ses répliques et ses mimiques, d'autant plus qu'on ne peut s'empêcher de revenir sur des planches particulièrement bien tournées. Au bout d'un moment, vous aussi vous parlerez en citations d'Héraclite, vous rythmerez votre discours par des claquements de doigts et vous serez un maniaque du stabilo jaune ! Mais cette b
ande-dessinée ne tourne pas qu'autour du Ministre, une série de personnages secondaires qui tentent de le suivre dans ces raisonnements politico-philosophiques font gagner à Quai d'Orsay de la profondeur et contribuent à la rendre irrésistible.

N'hésitez pas à vous attardez sur le dessin, il est rare de se retrouver face à une bande dessinée qui innove autant en matière de narration et de gestuelle. Chaque case, chaque planche sont étudiées et cela se voit.

Si cette note à un but, c'est celui de vous faire aller feuilleter Quai d'Orsay pour de bonnes raisons ...


Pour lire les premières planches de Quai d'Orsay sur BD Gest'

vendredi 12 novembre 2010

# 007 : Chats noirs, chiens blancs, Vanna Vinci

Chats noirs, chiens blancs
Vanna Vinci

2010, Dargaud

T1. Réminiscences Parisiennes; T.2. Chemin faisant

L’italienne Vanna Vinci nous avait déjà conquis, il y a deux ans, avec son dyptique Sophia mêlant philosophie et occultisme sur fond de quète identitaire. Elle revient avec Chats noirs, Chiens blancs, une série en deux volumes qui nous plonge dans les errances de Gilla, une jeune italienne qui quitte tout pour venir à Paris faire ses études de photographie.

Dans Réminiscences parisiennes, le premier tome de la série, nous découvrions l’installation de Gilla à Paris, chez sa tante, beatnik de la première heure, sa rentrée en école de photographie et ses premieres rencontres amicales et amoureuses. En somme, le quotidien banal des jeunes femmes de son âge. A l’exception, que Gilla ne se contente pas de fréquenter les vivants… Quand visions du passé et fantômes parisiens s’invitent dans le quotidien de Gilla ; gare aux perturbations !

Avec Chemin faisant , Vanna Vinci nous dévoile une Gilla de plus en plus impliquée dans ses confrontations avec l’au delà. Rencontrant tour à tour, les fantomes de Zelda Fitzgerald et de la comtesse Luisa Casati, Gilla se détourne de plus en plus de la réalité pour plonger dans le passé cauchemardesque de ces femmes de pouvoir.

Au fil de ses rencontres ésotériques, l’héroine nous entraîne dans une ballade romantique et macabre à travers un Paris entre passé et présent. Si l’auteur a cette fois-ci recours à la couleur, l’univers de Chats noirs, chiens Blancs demeure très noir à l’image de Sophia. On retrouve également les thèmes chers à l’auteur que sont la quète identitaire, le poids des souvenirs et l’occultisme.

C'était une critique de Lulu La Belge ... <3

Vous pouvez cliquez sur les images pour les agrandir ...

lundi 1 novembre 2010

# 006 : Transat, Aude Picault

Transat
Aude Picault
2009, Delcourt

"Il paraît que pour s'épanouir, l'individu a besoin de transcender sa modeste existence à travers un idéal, un "grand tout". Moi, je me transcende dans le fourre-tout de la communication visuelle. J'alimente l'immense fleuve d'images inutiles et superficielles, et ça ne m'épanouit du tout."
Aude Picault, Transat, planche 38


Devenir adulte, voilà ce que cherche Aude Picault. Graphiste dans une boîte de communication, cette jeune parisienne de presque 30 ans tourne en rond, que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans sa vie affective et amicale. Les sorties branchouilles, la frénésie de la capitale, tout ça a fini par la dépasser. Elle évolue de moins en moins bien dans le microcosme de la communication et se sent en décalage avec les personnes qui l'entourent. Elle passe pour une fille pas drôle et râleuse, mais elle fini pas ne plus y accorder d'importance. Car sa vie va prendre un tournant inattendu.

Traverser l'Atlantique à la voile !
Voici le défit qu'elle veut réaliser, pour se prouver qu'elle peut
faire autre chose que dessiner des gamines avec des tresses pour une marque de céréales. Elle embarque donc sur le Darwin Sound, un voilier de 22m de long, avec un équipage de skippeurs aguerris. Du Cap Vert à Saint Barthélémy, "rien d'autre à perte de vue que l'Océan!". Grâce à un trait fin et aéré, Aude Picault nous fait partager son aventure, ses impressions, et nous envoute avec son humour attendrissant.

Cette BD autobiographique parlera à certains, pas à d'autres. Ceux qui se complaisent dans une vie agitée, moderne et frénétique, n'y verront qu'une fille qui se plaint d'une existence qui n'est pas si mal. Les autres y verront la belle histoire d'une femme qui a peur de rater sa vie et qui va finalement comprendre que pour être heureuse, il faut de vivre tel qu'on l'entend.


Chronique BD de Pénélope dédiée à
Transat sur madmoizelle.com

dimanche 17 octobre 2010

# 005 : Le photographe, Guilbert, Lefèvre, Lemercier

Le Photographe
Guilbert, Lefèvre, Lemercier
2006, Dupuis collection "Air Libre"
Série en 3 tomes

"Quand un reporter photographe rentre de mission dans un pays en guerre, il ramène des centaines de photos et autant d'anecdotes. Sur ces centaines de photos, quelques dizaines sont tirées, quatre ou cinq sont vendues à la presse, et le reste, sous forme de planches-contact, échoue dans des boîtes. Le photographe, s'il aime raconter, raconte les anecdotes à ses proches. Puis le temps passe, d'autres missions, d'autres photos et d'autres anecdotes chassent les premières, et la mémoire, elle aussi, les met en boîte. Voilà comment s'endorme les histoires. Le nombre de belles histoires au bois dormant est infini. La bande dessinée est un des moyens de les réveiller."
Emmanuel Guilbert sur lephotographe.dupuis.com

L'Afghanistan, un pays dont on entend souvent parler mais que l'on connait au fond assez peu. Un pays où se suivent les guerres, les convois humanitaires et les photographes. Didier Lefèvre est l'un d'entre eux. Il part en Afghanistan en juillet 1986, en pleine guerre entre les soviétiques et les Moudjahidin. Là-bas, il accompagne une équipe de Médecins Sans Frontières pour un reportage qui s'attachera à montrer comment ces personnes réparent ce que les autres détruisent. A son retour, Didier Lefèvre raconte à Emmanuel Guilbert (auteur de BD) son voyage. Associés à Frédéric Lemercier pour la couleur, ils créent Le Photographe.

La particularité de cette BD, c'est donc le mélange de la photographie et du dessin. Les planches contact deviennent des cases, voire
des pages entières. Les dessins créent des personnages et au final, on peut dire que chaque art sert l'autre. Tout se suit avec harmonie et au bout de quelques planches, on ne fait plus attention, le mélange paraît normal, on ne se pose plus la question de savoir si c'est pertinent. Loin d'être un patchwork de photos et de dessins juxtaposés en essayant de donner un semblant de naturel, cette bande dessinée est le fruit d'une longue réflexion entre un dessinateur et un photographe pour élaborer un scénario qui tient vraiment bien la route.

On peut commencer par lire cette BD comme un documentaire sur l'Afghanistan, ensuite on la prend plus comme un journal de bord. On finit par la lire comme une histoire tellement la suite des événements relève de la fiction. Mais à chaque fois que vous oubliez que tout cela est réel, une planche, une photo, une réplique vous rappelle que ces événements se sont bel et bien produits, que ces personnes existent. Le Photographe est une de ces Bandes-Dessinées qui marquent.

Pour en savoir plus sur les auteurs, le reportage ou encore l'élaboration de cette BD : http://lephotographe.dupuis.com/



mardi 12 octobre 2010

# 004 : "Dessinez-vous les uns les autres"

Cours d'arts plastiques du 7 octobre 2010 - "Dessinez-vous les uns les autres".
Ajout de contraintes au fur et à mesure du cours : interdiction de la gomme, limite de temps, ...
^^ (oui, nous sommes des sadiques au pôle artpla)


lulu la belge, concentrée ...

samedi 2 octobre 2010

# 003 : Joséphine 3 "Change de Camp", Pénélope Bagieu

Joséphine 3 : Change de Camp
Pénélope Bagieu
2010, Jean-Claude Gawsewitch

"'J'ai moins de plaisir à dessiner des hommes, car il y a moins de petits détails dans l'habillement ou les accessoires. Dessiner, c'est comme jouer à la Barbie : on préfère toujours jouer avec Barbie qu'avec Ken ! "
Pénélope Bagieu, interview sur livre.ados.fr

Il est rare aujourd'hui de voir des auteurs qui créent des BD avec des tomes en série. Finies les épopées de Blueberry et ses 28 volumes, Astérix et ses 33 opus, ... on connaît à présent des suites de 2-3-4 tomes ou des "one-shots", comme diraient ces abru... hum ... les représentants de Procter & Gamble. Pour Joséphine, ce sera une trilogie : "Joséphine", "Même pas mal" et enfin, le petit dernier "Change de camp". "Oooooooh non mais c'est pas possible z'en voulait encore du Zoséphine moiiiiii !!" ... et oui les filles, c'est fini, soyez fortes.

On retrouve notre loseuse préférée, contrôleuse de gestion, nulle avec les hommes, vivant avec son chat Bradpitt, et qui a un gros cul. Mais cette fois-ci, Joséphine n'est plus seule...Va-t-elle réussir à s'en sortir avec son compagnon (aussi velu que son chat) ? Arrêtera-t-elle d'être psychotique avec les hommes ? Il vaut mieux vous laisser la surprise de l'intrigue, on ne voudrait pas gâcher votre plaisir.

Du plaisir, vous en aurez avec l'humour qui émane de chacune des planches. Garçon ou fille, on se reconnaît au moins une fois (la forte présence d'un homme dans la vie de Joséphine fait que le tome 3 parle plus aux hommes que les albums précédents). Vous en aurez également grâce aux dessins de Pénélope Bagieu qui, au fur et à mesure, arrivent à maturité, tout comme le personnage. Les couleurs sont géniales et créent une véritable ambiance pour chaque scène.

Profitez donc de votre prochain passage en librairie pour feuilleter Joséphine 3. Comme les autres il se dévore debout, accoudé au présentoir du magasin, en compagnie des autres tarés qui n'ont pu détacher les yeux des dernières aventures de Jojo, et cela dès la première planche ...

Interview de Pénélope Bagieu lors de la sortie du premier tome de Joséphine en 2008 sur madmoizelle.tv
Mais aussi "La chronique BD de Pénélope"
Son blog :
Ma vie est tout à fait fascinante




jeudi 30 septembre 2010

# 002 : La ligne de front, Manu Larcenet

Une Aventure Rocambolesque de Vincent Van Gogh, LA LIGNE DE FRONT
Manu Larcenet
2004, Dargaud

"J'ai fait imploser la palette chromatique, j'ai déstructuré la nature, donné un sens à la matière bien avant que tu ne sois en âge de jouer avec ton caca"
Vincent Van Gogh, La ligne de Front

Imaginez, des responsables politiques français qui, bien au chaud à Paris pendant la Première Guerre Mondiale, tentent de comprendre pourquoi tant de soldats désertent le front. Où est passé leur éthique militaire, leur amour de la patrie et leur courage enfin ?! "Nous avons une guerre à gagner tout de même", déclare le président.

Qui peuvent-ils envoyer sur le terrain pour leur retranscrire ce qu'il se passe là-bas, qui pourrait leur peindre "l'esprit de la guerre" ?
Un artiste ! Mais pas n'importe lequel : Van Gogh ! (Bah oui, Toulouse-Lautrec est indisponible ...). Problème chronologique ? Pas du tout, sa mort et l'histoire de l'oreille coupée n'étaient que des ruses du gouvernement pour le faire mourir médiatiquement. "C'est rageant, dit-il, juste au moment où je m'apprêtais à faire exploser mon désarroi à la face du monde !".

Une histoire rocambolesque démarre donc et envoie Van Gogh (dont les dialogues sont ponctués de "BLODDY HELL!", ""BLOODY SHIT" et autres "BLOODY MOTHER FUCKER") toujours plus près du front. Une même planche peut vous faire rire et vous toucher, Manu Larcenet vous fait tanguer entre l'humour de cette situation inédite et l'horreur d'une guerre qui a traumatisé des milliers d'hommes. Une drôle de BD qui ne ressemble à aucune autre, un tome, une histoire et tout le talent comique de Manu Larcenet concentré dans ces planches.

N'hésitez donc pas à suivre Van Gogh dans ses péripéties mais surtout, ne lui dites pas qu'il met trop de jaune...

Une autre critique de "La Ligne de Front" sur le site du9

# 001 : Pico Bogue, Dominique Roques, Alexis Dormal

Pico Bogue
Dominique Roques, Alexis Dormal
T.1 LA VIE ET MOI, 2008
T.2 SITUATIONS CRITIQUES, 2009
T3. QUESTIONS D'EQUILIBRE, 2009

Dargaud
"- Pico on t'attend ! Finis tes haricots !
- Je ne te pardonnerai jamais de me faire manger ces trucs-là.
- Eh bien, c'est que tu es ran
cunier.
- On est ce qu'on mange.
Donc je suis mauvais."
Dialogue entre Pico Bogue et sa maman, T3. Questions d'équilibre

Pico Bogue, un coup de cœur comme on en n'a pas à chaque passage au rayon BD de chez Mollat. Le sujet n'est pas forcément très original : les réflexions, anecdotes et délires d'un petit garçon chez lui, à l'école, avec ses copains ou sa petite sœur. Et pourtant, sa frimousse nous attrape, ses mimiques et son allure de petit renard avec sa tignasse rousse ébouriffée nous attendrissent, et finalement on succombe à ses réflexions espiègles sur la vie.

Les personnages secondaires (ses parents, ses grands-parents, ses copains, le marchand de bonbons et surtout sa petite sœur, Ana-Ana) sont autant de prétextes à des gags et à des situations d'où Pico ne sort pas toujours vainqueur (Ana-Ana rivalise d'espièglerie et de charme avec son frère).
Avec Pico, on oscille entre tendresse et humour. Vraiment, on ne peut pas s'empêcher d'aimer ce personnage créé par une mère (Dominique Roques, qui fait les bulles !) et son fils (Alexis Dormal, qui dessine). Si vous ne riez pas au moins une fois ou deux au cours d'un album, c'est que vous avez un humour atrophié...

Le tome 3, Questions d'équilibre, a été sélectionné pour le Prix Jeunesse au dernier festival d'Angoulême. C'est le 5ème tome de Lou qui l'a obtenu. Peut-être est-ce parce que Pico n'est pas qu'un personnage pour enfants ? D'ailleurs, il est possible qu'on ne puisse saisir la profondeur, la malice et l'intelligence de cette BD qu'une fois sorti de cette période si particulière qu'est l'enfance.